Cosmologie mythopoetique dans la poesie de charles van lerberghe

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Cosmologie mythopoetique dans la poesie de charles van lerberghe

Tchystiak D.О.

Universite nationale Taras Chevtchenko de Kyiv

Анотація

У статті проведено реконструкцію космологічної концептосистеми у поетиці видатного бельгійського франкомовного поета символістського спрямування Шарля Ван Лерберга на матеріалі його провідної поетичної збірки "Євина пісня" (1904), що справила істотний вплив на розвиток європейської поезії натуристського напрямку. Встановлено, що основним міфо- поетичним концептом постає позитивно маркована ДОЛЯ. Його корелятами постають концепти ВОГОНЬ, ДУША, ПТАХ, КОХАННЯ, МОРЕ, СОНЦЕ, ЗІРКА, ВОДА, ВЕРХ, СПІВ. Серед міфем-інтерпретантів цих концептів слід відзначити Амура, Афродіту, Адоніса, Зевса, Ангелів, Аполлона і Діву Марію. Архаїчними метафорами доби залізного віку виступають "око = світло", "спів = лебідь = світло", "прядиво = світло", "сліпота = кохання", "кохання = зелень", "кохання = цвіт", "кохання = хвиля". Актуалізація негативно маркованого концепту НЕДОЛЯ відбувається в таких концептах як ТЕМНЕ, МІСЯЦЬ, СМЕРТЬ, ВІТЕР, ЗЕМЛЯ, міфемах Гекати, Тартару, Аїду й Азраїла, архаїчних метафорах "тінь = птах = смерть", "пил = смерть" і "хвиля = смерть", ідеологеміХаосу. Поряд із тим концепт СМЕРТЬ семантизований позитивно, сполучаючись із концептом ВОДА й концептами МІСЯЦЬ і МОРЕ, втілюючись приміром у гераклітівській ідеологемі "вічного плину" й поетиці метаморфози іпостасей безсмертної ДУШІ, актуалізуючи концепт ВІЧНІСТЬ. Основною міфологічно маркованою дієсхемою в поетичних текстах Ш. Ван Лерберга виступає перехід мезоконцепту ДУША із позитивно і негативно маркованого НИЖНЬОГО СВІТУ (що характеризується як боротьба СВІТЛОГО і ТЕМНОГО) через пробудження СВІТЛА і ВОГНЮ КОХАННЯ та СПІВУ до ВЕРХНЬОГО СВІТУ (його корелятами постають СВІТЛО, ВОГОНЬ, КОХАННЯ та БОГ) із подальшим проходженням через негативно маркований концепт СМЕРТЬ (його кореляти: НІЧ, МІСЯЦЬ, ВОДА) до ВІЧНОСТІ (ідеологема "вічного плину", метаморфози ДУШІ в межах розмаїтих актантів ВСЕСВІТУ). Оскільки бельгійська поезія символістської епохи вербалізує міфологічно забарвлену космологічну концептосис- тему, установлено, що провідною міфічно маркованою дієсхемою в бельгійських поетів символістів постав перехід концепту ДУША із негативно і позитивно маркованого НИЖНЬОГО СВІТУ до позитивно маркованого ВЕРХНЬОГО СВІТУ.

Ключові слова: концепт, міфологія, символізм, натуризм, франкомовна бельгійська поезія, космологія.

Chystiak D. O. MYTHOLOGICAL COSMOLOGY IN THE POETRY OF CHARLES VAN LERBERGHE

The article reconstructs the cosmological conceptual system in the poetics of the outstanding Belgian French-speaking symbolist poet Charles Van Lerberghe based on the material of his leading poetry collection "Eve's Song" (1904), which had a significant impact on the development of European poetry of the naturalist direction. lerberg poetry cosmological

It has been established that the main mythological concept is the positively marked FATE correlated with the concepts FIRE, SOUL, BIRDS, LOVE, SEA, SUN, STAR, WATER, MOUNTAIN, SINGING. Eros, Aphrodite, Adonis, Zeus, =Angels, Apollo and Virgin Mary should be noted among the mythological interpreters of these conceptsas well as the archaic metaphors "eye = light", "song = swan = light", "yarn = light", "blindness = love", "love = green", "love = flower", "love = wave". The actualization of the negatively marked concept of BAD LUCK is generated in concepts DARK, MOON, DEATH, WIND, EARTH, myths of Hekate, Tartarus, Hades and Azrael and the archaic metaphors "shadow = bird = death", "dust = death" and "wave = death". At the same time, the concept of DEATH is semanticized positively, combining with the concept WATER and the concepts MOON and SEA, embodied, for example, in the Heraclitean ideologeme of "eternal flow" and the poetics of metamorphosis of the immortal SOUL, actualizing the concept of ETERNITY. The main mythologically marked scheme of action is the transition of the concept of SOUL from the positively and negatively marked LOWER WORLD (characterized as the struggle of LIGHT and DARK) through the awakening of LIGHT and the FIRE of LOVE and SINGING to the UPPER WORLD (correlating with LIGHT, FIRE, LOVE and GOD) with further passage through the negatively marked concept DEATH (correlating with NIGHT, MOON, WATER) to ETERNITY (the ideologeme of "eternal flow", the metamorphosis of the SOUL within the various actants of the UNIVERSE). It was also suggested that the transition of SOUL from the negatively and positively marked LOWER WORLD to the positively marked UPPER WORLD became the leading mythically marked scheme of action in the Belgian symbolist poets.

Key words: concept, mythology, symbolism, naturism, French-speaking Belgian poetry, cosmology.

Formulation du probleme. Les recherches sur la cosmologie mythopoetique dans les textes litteraires se trouvent au coeur de l'actualite des etudes philologiques du fait qu'elles participent a la clarification des problemes de la concepualisation litteraire. Le noyau mythopoetique semble en effet un centre de gravite autour duquel se forment les structures semantiques profondes de chaque texte analyse. Ce probleme revet encore plus d'importance pour les textes du mouvement symboliste francophone belge connu pour son interet tout particulier pour le symbole a substrat mythique ce qu'attestent les recherches que nous avons deja menees sur la poetique de Maurice Maeterlinck, d'Emile Verhaeren, de Max

Elskamp, de Gregoire Le Roy et de Georges Rodenbach. Dans Particle qui suit nous allons analyser l'oeuvre poetique de Charles Van Lerberghe, l'auteur symboliste qui a fait date, et tout particulierement connu pour son poeme le plus celebre, La chanson d'Eve (1904) qui reste encore tres present dans la conceptualisation sur le symbolisme litteraire fin-de-siecle.

Analyse des dernieres recherches et publications. L'oeuvre litteraire de Charles Van Lerberghe a ete etudiee par un certain nombre de chercheurs sans pour autant qu'il ait eu droit a des analyses completes de sa mythologie litteraire. Certaines etudes portent sur la reconstitution de sa vie d'artiste (Albert Mockel, Raymond Trousson,

Louis Christophe, Henri Davignon) alors que d'autres, moins nombreuses, se proposent d'analyser les particularites de son imagerie (Jean Guillaume, Patrick Laude, Claire Michant, nos recherches anterieures). Dans la philologie ukrainienne il existe une etude de Yarema Kravets sur l'essai de l'auteur consacre a Marie Bachkirtseff (revue " Vsesvit ", 2010, n° 9-10) et notre edition commentee des oeuvres choisies de l'auteur et de sa correspondance [1]. Ceci dit, nous tenons a souligner que les recherches portant sur l'analyse systemique du fond mythopoetique de Charles Van Lerberghe reste encore a effectuer.

Le but de l'article consiste donc a reconstruire l'image mythopoetique du monde dans la poesie de Charles Van Lerberghe a partir de l'analyse de son recueil poetique le plus celebre, le poeme La chanson d'Eve qui a ete considere par ses contemporains comme un des textes fondateurs de la poesie symboliste francophone belge.

La presentation du contenu de la recherche. Le poeme La chanson d'Eve a ete publie en 1904 aux editions " Mercure de France " et a connu bien des reeditions depuis. Les grands auteurs et critiques de cette epoque-la ont salue " le grand poete libre " (Emile Verhaeren), " un des plus grands poetes de notre temps " (Camille Lemonnier), le recueil a ete meme proclame " chef d'oeuvre du symbolisme " par Albert Mockel [10, p. 357]. Les auteurs de langue allemande comme Rainer Maria Rilke et Stefan George ont egalement apprecie ce texte que le critique litteraire de l'epoque Georges Rency a considere comme important en tant que " poeme philosophique du pantheisme " [1, p. 358] alors que Louis Dumont- Wilden notait le theme de revolution de l'ame humaine [3, p. 201].

Hubert Juin dans une interpretation un peu floue mettait en relation l'image d'Eve avec l'ame, la creation du monde ou l'amour [6, p. 87], tandis que Lucien Christophe soulignait l'imprecision de la conception philosophique du texte, opinion partagee d'ailleurs par Henri Davignon [2, p. 250] et Daniel Grojnowski [4, p. 279]. Vic Nachtergaele et Nathalie Zabus ont releve les influences de la philosophie nietzcheenne [11, p. 9; 16, p. 137] alors que Hans- Joachim Lope, tout en soulignant les tendances vitai'stes et pantheistes de l'oeuvre, le tribut a la philosophie d'Arthur Schopenhauer, de Friedrich Nietzsche, de Guillaume Tiberghien et de Ludzig Buchner [8], soulignait egalement l'innovation du poeme que l'on pourrait considerer comme un signe avant-coureur du mouvement moderniste naturiste incarne par les auteurs aussi differents que Rene Ghil, Andre Gide, Francis Viele-Griffin ou Francis Jammes.

La pragmatique naturiste de La chanson d'Eve semblerait decouler de la mediation entre deux systemes polaires, la conceptualisation chretienne et mythologique grecque qui se focalisent dans l'imaginaire mythopoetique de l'auteur. Il serait donc reducteur de suivre l'interpretation proposee par Jean Guillaume qui voyait dans le poeme une infiltration progressive dans la protagoniste des forces du Satan qui deformeraient les aspirations divines, avec une tentation des sens et de l'intelligence [5, p. 290]. Les interpretations plus nuancees ont ete proposees par Vic Nachtergaele qui mettait en relation le concept PECHE avec AMOUR et LUMIERE [11, p. 13], ou Patrick Laude qui delimitait dans le poeme le mouvement cyclique NAISSANCE - MORT - NAISSANCE [7, p. 143]. Pour notre analyse nous utilisons l'edition stereotypee de 1924 de La chanson d'Eve.

La conceptualisation EAU actualise les structures mythopoetiques a connotation positive aux rudiments animistes du type CIEL = EAU = LUMIERE. Cette semantisation est presente dans l'image de la Pluie d'Ete correlee avec OISEAU, un attribut de la protagonsite: Ma soeur la Pluie, // La belle et tiede pluie d'ete, // Doucement vole, doucement fuit // A travers les airs mouilles [15, p. 53]. La relation entre EAU et CIEL est connue dans la mythologie grecque via l'image de la Pluie d'Or, actualisee par le mythe de Zeus dans sa fonction de fertilisation. La correlation entre Eve et EAU est egalement liee a la fertilite, notamment dans l'image de la Vierge (et ses avatars, les Fontaines a la page 51, les sirenes a la page 114, les anges-eaux a la page 174) resumee sur la page 183: Je suis la fontaine du bois dormant, // Aux ailes d'humides etincelles; // Je suis la fontaine du jardin clos: //L'amour en a brise le sceau, //Le ciel l'attire. Une metaphorisation similaire archai'que du type Vierge = Fontaine se trouve par exemple dans le Psaume 35 oE est invoquee la Vierge Marie.

Le deroulement de la fonction fertile de EAU- LUMIERE se precise dans les bassins aquatiques plus volumineux, comme l'image du Fleuve. Dans le fragment suivant nous pourrions deceler l'idee heracliteenne de la VIE comme FLUX INCESSANT: Comme un beau fleuve, // En toute choses la meme vie coule, //Et nous revons le meme reve [15, p. 24]. Une semantisation similaire se trouve dans le mytheme de l'Ocean et la liaison entre CIEL et FONTAINE, ainsi que l'image du Verger-Eden : Eau vivante <.. .> tu descends par des pentes douces // De fleurs et de mousses // Vers l'ocean originel, // Toi qui passes et vas, sans cesse et jamais lasse // De la terre a la mer et de la mer au ciel [15, p. 49]. Ce symbole du Fleuve du ciel comme un attribut du Paradis se trouve dans la

Genese (2:10) comme une interpretation de la protoconceptualisation animiste CIEL = VIE.

Le potentiel regenerant de la metamorophose aquatique se precise dans la danse de la protagoniste et dans le mytheme Ange de l'Eau oй se realise l'idee platonicienne de la metempsychose de l'ame: O mes anges, les Eaux, о mes anges, les Ondes, //Rires bleus de mon paradis, // Que je me perde, que je me fonde // En votre calme purete <...> // Que je devienne en vous mon reve, // Une clarte qui s'acheve <.> // Une chose qui glisse et chante, // Nue et fremissante, et qui fuit, // Et va vers les mers inconnues, // Dans le grand murmure infini [15, p. 174]. De ce fait, la sortie du temps dans le Flux Incessant se devoile comme une pragmatique pantheiste de la conceptualisation vanlerberghienne.

Une conceptualisation similaire se retrouve dans la semantisation de LUMIERE. Le concept FEU est lie a la HAUTEUR, le symbole de la Vue et le concept ETERNITE: En vous, etincelles, //A lacimedes bois, // Que je suis eternelle, // Et que je vois. [15, p. 25]. La metaphorisation archai'que " vue = feu " actualise la semantique animiste FEU = CHANCE presente notamment dans l'idee platonicienne du Bien dont la projection se revele dans la Vue. L'action de retrouver la vue est liee a la descente du FEU qui unirait le Bien Divin au Bien humain (La Republique, Livre VII [14, p. 67]). Par ailleurs, dans le Timee de Platon l'idee de la vue est interpretee comme l'interaction entre la LUMIERE de l'ame dans les YEUX et de la LUMIERE DIVINE [13, p. 144].

La fonction reproductive de LUMIERE est presente a plusieurs reprises dans la semantisation de AMOUR comme correle du CIEL: Tandis que tu reposes sur mon coeur, // Regarde : autour de nous le ciel s'ouvre <...> // Ou le monde n'estplus qu 'une flamme, // Et qu'une fleur. // Qu'une vague murmurante qui vient mourir en nous [15, p. 82]. On trouve la semantisation similaire dans les metaphores " amour = fleur " (hyacinthe, rose) et " amour = vague " liees au mytheme d'Aphrodite, source regenerante du Cosmos [9, p.130]. Charles Van Lerberghe partage egalement la conception platonicienne de la liberation de l'ame du corps grace a AMOUR : l'homme, suite a la contemplation de la beaute humaine, se rappelle la beaute veritable de nature celeste et s'envole sur les ailes de l'amour jusqu'au CIEL [12, p. 48]. L'action extatique presente dans la relation entre la protagoniste et les Anges- Flammes, son ascension au CIEL, vers les ETOILES actualisant une conceptualisation similaire : O mes anges, les Flammes, // O mes souffles de feu, qui resonnez dans l'air, // Qui dansez et chantez en vos robes legeres // D'etoiles et d'eclairs <...> // Vous etes des chants radieux ou mon ame, // S'eleve sur des ailes de feu. [15, p. 171].

Le concept CHANT, realisation de la LUMIERE dans sa fonction creatrice, representee notamment par la metaphorisation du type " ame = oiseau " (voyez par exemple dans le dialogue platonicien Phedre [12, p. 57]) est realise lorsque AMOUR s'unit avec le BIEN DIVIN a flux eternel: Mon ame atteint ce qu'elle chante <...> // J'habite ma lumiere <...> // Mon royaume s'est fait rayon, // Et ses portes flamboyantes // Se sont ouvertes dans ma chanson. [15, p. 163]; Tu voles, ma chanson aux ailes //Bleues d'oiseau de Paradis ! [15, p. 131]. La conceptualisation de LUMIERE est presente dans la metaphore archai'que du type " chant = lumiere " realisee dans le mytheme d'Apollon, et on la retrouve egalement dans le symbolisme chretien dans le Livre de la Revelation de Saint Jean (8:12). Par ailleurs, la metaphore archai'que du type " oiseau = ame " actualise la semantisation animiste LUMIERE = CIEL = CHANCE, presente notamment dans le mytheme de Eros sous sous la forme de l'enfant aile.

Une semantisation antique du type AME = OMBRE semble actualiser la proto-conceptualisation animiste MORT = CIEL que l'on retrouve dans les ouvrages comme Odyssee de Homere ou les comedies d'Aristophane dans la metaphorisation " ombre = ame = oiseau qui quitte le corps ". Voici son interpretation chez Charles Van Lerberghe : De lentes // Ombres se promenent: ce sont les Ames. //Etrangeres a la terre, elles viennent, //Par quelles voies de nuitprofonde // Et quelles landes d'asphodeles ? // Vers cette etoile de l'Eden // Ou c'estpour elles //L 'autre monde <.> // Ce sont des Ombres : et l'ombre les enchante <.> // Sois-leur douce, о Lumiere, touche-les doucement, // Suavite divine, // Coupe ou. le ciel repose, //Dont elles n'approchent qu'en tremblant // Et les paupieres closes. [15, p. 191-192]. Notons la presence des marqueurs du Monde Souterrain : NUIT (mytheme de Tartare) et l'image des asphodeles (fleurs de la colline des mots, Chant 24 dans Odyssee de Homere). Dans la tradition chretienne le symbole du Calice est lie a la reminiscence de la Cene (Evangile selon Marc, 14:23) qui est transcode chez Charles Van Lerberghe dans l'image du CIEL correle a la CHANCE dans la semantique animiste.

Il est logique de constater que le concept LUMIERE est correle avec le mytheme du Dieu comme la realisation supreme du concept AMOUR : Comme il se baigne dans la lumiere // Avec amour, mon jeune dieu ! // Toutes les choses de la terre // Sont ses vetements radieux ! [15, p. 34]; O toi, dont s 'ensoleille // D'un tremblement d'ailes d'or //Mon souffle anime, // C'est en toi que je m'eveille, //Et c'est en toi que je m'endors, // O bien-aime ! [15, p. 79]; Et je revis aupres de l'Arbre merveilleux // Le jeune dieu aux cheveux d'hyacinthe, // De roses couronne <.. .> //Je suis l'Amour. //J'etais avant toutes choses, // Ofille nee de la terre et des eaux ! [15, p. 160]. Notons egalement le fonctionnement de l'idee orphique d'Eros comme force structurante des energies du MONDE (realisee dans l'image d'Eros aux ailes d'or) puis transcodee dans la conception de sympathie universeelle chez Posidonios. L'image de la rose est un correle traditionnel de l'AMOUR (mythemes d'Adonis et d'Aphrodite). Le proto-concept mythopoetique HUMAIN = ETOILE trouve sa realisation dans la philosophie classique grecque chez Platon dans la metaphorisation " ame = lumiere " presente egalement chez Charles Van Lerberghe dans les liens conceptuels du type : AME PLEINE = SOLEIL = Dieu : Et c'est en toi, force supreme, // Soleil radieux, // Que mon ame elle-meme //Atteint son dieu ! [15, p. 26].

La semantisation negative est presente dans la conceptualisation de MORT associee principalement au concept LUNE que l'on retrouve dans plusieurs fragments : O blanche fleur des airs, // Fleur de l'inexistence, // Aux immobiles mers // De radieux silence. // Comme la mort tu luis // Dans un ciel solitaire: // De toi toute la terre // Est pale, cette nuit [15, p. 122]; L'onde tremble comme une moire //De tenebre a travers la nuit, // L 'onde profonde, sourde et noire, // Ой tout a coup la lune luit. // Du fond des eaux la lune attire // De pales, longues, freles fleurs <...> // Dans l'onde et la lune elle posent // Leurs longs et pales flambeaux blancs. [15, p. 137]. La semantisation negative de LUNE actualise les rudiments animistes du type LUNE = MALCHANCE presente notamment dans le mytheme de Hecate, deesse du monde souterrain aux attributs de clair de lune et des flambeaux (notamment dans Les Argonautiques d'Apollonios de Rhodes (3, 842, 1026; 4, 246), alors que la mer pourrait etre associee aux attributs de la deesse de la Lune Semele et les fleurs blanches maladives peuvent faire allusion aux asphodeles, presentes dans le topos de Hades.

La neutralisation de la semantique negative de la MORT se precise dans son identification avec l'EAU : Viens, о douce vague qui brille dans les tenebres ; // Emporte-moi dans ton neant! <.> //Brise-moi comme une fleur d'ecume, // Une fleur de soleil a la cime // Des eaux, // Que la nuit effeuille, que l'ombre efface, // Et que l'espace epanouit [15, p. 204]. La fonction reproductive de l'EAU et sa correlation avec AMOUR (image " fleur d'ecume ", mytheme d'Aphrodite) sont liees a la conception du Flux Incessant conceptualise par Heraclite. Une conceptualisation similaire se trouve dans l'extrait qui suit : О mes anges mouvants, vous, qui vous transformez //Sans cesse <...> Sortis de quelque etrange et vague unite d'or, // Vous naissez pour mourir et pour renaitre encor // En apparences plus changeantes que des songes. // Toi, Souffle, tu t'elances et deviens un Son, //Et toi, Son, une Flamme, et toi, Flamme, une aurore, // Et l'air est plein de fleurs qui ne sont pas encore, // Et deja ne sont plus qu'un ciel plein de rayons [15, p. 181]. La poetique de la metamorphose actualise la tendance totemiste du retour de VIE a la MORT et vice versa presente dans les rituels chamaniques et qui dans les epoques posterieures animistes et matriarchiques se trouve transcodee dans loe mytheme du Dieu Mourant et Renaissant, fils ou amant de la Deesse-Mere.

MORT dans sa correlation avec LUMIERE est egalement presente dans le poeme : L 'Ange en voyage <...> // approche lentement, // Comme une aube lointaine <...> // Il souffle la flamme, eteint le bruit, met le silence de sa bouche //Sur la bouche qui sourit, // Et pose, doucement, sur le coeur qui s'apaise // Sa main qui ne pese // Pas plus qu'une fleur [15, p. 206]; L'ame chantante d'Eve expire, //Elle s'eteintdans la clarte ; // Elle retourne en un sourire // A l'univers qu'elle a chante <...> Dans l'haleine divine du printemps. // En de vagues accords oй se melent // Des battement d'ailes, // Des sons d'etoiles, // Des chutes de fleurs, // En l'universelle rumeur // Elle se fond [15, p. 207-208]. Notons que la neutralisation de la semantique negative du concept MORT serait liee aux images incoherentes a premiere vue : l'ame " s'eteint dans la clarte ", ce qui actualise toutefois les rudiments de la semantisation totemiste MORT = LUMIERE (que l'on retrouve notamment dans le mytheme de l'lle des Bienheureux dans la mythologie grecque). Les liens semantiques du type LUMIERE = SON = AME = PRINTEMPS = OISEAU = ETOILE font allusion au retour cyclique de la protagoniste ce que l'on pourrait associer a l'idee du Bien immanent chez Platon dont la LUMIERE est la realisation visible : plus tard cette ideologie se trouve transcodee dans l'emanation de l'Un chez les neoplatoniciens et le concept de la Lumiere Divine dans la patristique.

Conclusions

Pour conclure, notons que le systeme conceptuel dans La chanson d'Eve de Charles Van Lerberghe actualise le concept mythopoetique CHANCE a connotation positive aux correles conceptuels FEU, AME, OISEAU, AMOUR, MER, SOLEIL, ETOILE, EAU, HAUTEUR, CHANT. Parmi les mythemes interpretants nous avons releve Eros, Aphrodite, Adonis, Zeus, Anges, Apollon et Vierge Marie. Parmi les metaphores archai'ques les plus marquees sont : " mil = lumiere ", " chant = cygne = lumiere ", " amour = verdure ", " amour = fleur ", " amour = vague ".

D'autre part, l'actualisation du concept mythopoetique MALCHANCE a connotation negative se realise dans les concept NOIR, LUNE, MORT, VENT, TERRE, ainsi que les mythemes de Hecate, Tartare, Azraёl et Hades, les metaphores archai'ques " ombre = oiseau = mort " " poussiere = mort " et " vague = mort " et l'ideologeme du Chaos. Toutefois, le concept MORT acquiert egalement une semantisation positive dans son union avec les concepts EAU, LUNE et MER, notamment en actualisant l'ideologeme heracliteen de " flux eternel " et la poetique de la metamorphose pour symboliser l'ame immortelle, actualisant le concept ETERNITE.

Par ailleurs, soulignons que le schema narratif a connotation mythopoetique le plus marque dans la poesie vanlerberghienne semblerait le passage du concept AME a partir d'un MONDE BAS a connotation negative (od se deroule le combat entre LUMIERE et NOIRCEUR) suite a la naissance de la LUMIERE, du FEU de l'AMOUR et du CHANT dans le MONDE HAUT (avec ses correles LUMIERE, FEU, AMOUR et DIEU) et une progression du concept MORT a connotation negative (et ses correles MORT, LUNE, EAU) vers l'ETERNITE (ideologeme "flux eternel", metamorphoses de l'AME dans les topoi' differents de l'UNIVERS).

En tra^ant les perspectives des recherches de la poesie symboliste belge au niveau de la cosmologie mythopoetique, supposons que l'analyse linguo- conceptuelle des textes genererait l'interpretation des concepts cosmologiques MONDE HAUT, EAU, LUMIERE, NOIRCEUR, FROID, FEU, SOLEIL, CIEL, ETOILE, VENT, OISEAU, VERGER, PARADIS, MER, LUNE, AMOUR alors que le schema narratif mythopoetique des poetes (variable selon les auteurs) serait le suivant : passage du concept AME du MONDE BAS a connotation negative ou neutre vers le MONDE HAUT a connotation positive.

Litterature

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